C’est il y a plus d’un an maintenant que les voix des iraniennes et iraniens se sont élevées suite au décès de Masha Amini, jeune kurde iranienne, le 16 septembre 2022, trois jours après sa violente arrestation par la police des moeurs pour mauvais port du voile. Mais aussi et surtout, suite aux années d’oppression et de tyrannie religieuse imposées par la République Islamique depuis sa mise en place en 1979.

En novembre 2022, le monde semblait nourrir l’espoir d’un changement en faveur du peuple iranien face aux manifestations d’une ampleur considérable. Que s’est-il passé depuis ? Où en est la lutte ? Et la répression ?

Aujourd’hui, plus d’un an et deux mois après, nous faisons un retour sur ces évènements : leur ampleur, la portée qu’ils ont eu et qu’ils ont encore, la répression sanglante subie par les opposants au régime, mais aussi sur les voix qui résonnent pour empêcher la cause iranienne de tomber dans l’oubli.

Des manifestations, un mouvement

« Femme ! Vie ! Liberté ! » (en Kurde ژن، ژیان، ئازادی). Tels sont les mots qui résonnaient dès les premières manifestations à Téhéran, manifestations qui se sont ensuite propagées en quelques jours seulement dans le reste de l’Iran. Des hommes, des femmes, souvent jeunes, ont manifesté ensemble pendant près de 8 mois, s’attaquant directement aux symboles de l’oppression du régime, le port du voile obligatoire, les mollahs, malgré les risques. Dans la rue ou sur les réseaux sociaux, les actes militants et les démonstrations de soutien se sont multipliés sous les hashtags #FemmeVieLiberté et #WomenLifeFreedom.

Manifestation nocturne le 19 septembre 2022, à Téhéran, quelques jours après le décès de Masha Amini / AFP

Un mouvement qui n’est par ailleurs pas seulement un mouvement féministe contre l’apartheid sexuel mis en place par la République Islamique : c’est un rejet du régime lui-même. Pour la première fois, il y a une convergence du discours des iraniens qui s’unissent dans leur lutte. Les femmes ôtent leurs voiles en signe de protestation, les hommes les applaudissent, seul moyen pour eux de symboliser frontalement leur opposition.

Un régime de plus en plus répressif

Plus de 20000 arrestations, au moins 500 morts, une hausse significative des emprisonnements et des exécutions toujours plus nombreuses, l’ONG Iran Human Rights fait état d’un bilan lourd, et qui s’est accentué au fils des mois. Dans un rapport publié en avril, l’ONG dénombre 309 exécutions depuis le début des manifestations, avec une augmentation marquée en fin d’année : 5 en septembre, 30 en octobre, 57 en novembre, 72 en décembre et au moins 145 sur le premier trimestre de 2023.

La répression du mouvement par le gouvernement iranien passe également par d’autres voies : menaces d’emprisonner les familles, restées au pays, des iraniens vivants à l’étranger qui soutiendraient la cause, cas d’empoisonnements massifs d’écolières, caméras de surveillance qui envoient des SMS de menaces aux femmes ne portant pas le voile…

Par ailleurs à l’aube de l’anniversaire de la mort de Masha Amini, les autorités, craignant un nouvel embrasement des rues, ont effectué de nombreuses arrestations et intimidations préventives courant juillet/août de féministes, journalistes, activistes et même de membres de la famille de la jeune femme, comme son oncle Safa Aeli.

Une contestation toujours vivante

Mais si les manifestations ont diminué, elles n’ont pas pour autant disparu et le mouvement est loin d’être étouffé. Tous les vendredi depuis septembre 2022 les habitants de la ville de  Zahedan, située dans la province du Sistan et Balouchistan une région traditionnellement opposée au régime, continuent de descendre dans les rues. Dans les villes, les femmes, notamment les plus jeunes, sont de plus en plus nombreuses à sortir sans voile.

Dans le centre de Téhéran, des femmes marchent sans voile, le 4 septembre 2023.  ATTA KENARE / AFP

Le mouvement Femme, Vie, Liberté a pris d’autres formes, il est toujours bien présent. Que ce soit à travers des livres, des documentaires, des chansons, des témoignages, les iraniens et iraniennes continuent de lutter, qu’ils soient en prison, en liberté ou à l’étranger.

Femme Vie Liberté (2023), BD de Mariane Satrapi, également connue pour Persépolis, (disponible au CDI)

Entre autre, l’activiste Narges Mohammadi, emprisonnée depuis 2021 à Evin pour la cinquième fois et nommée Prix Nobel de la Paix en octobre 2023 continue de lutter depuis sa cellule. Elle a même déclaré, dans un message adressé à ses proches, et transmis à l’AFP, ce 10 novembre dernier, à l’issue de sa grève de la faim commencée quelques jours plus tôt: « Jusqu’à l’abolition de l’obligation du hijab, je continuerai à marcher découverte, et vous tremblerez à la vue des femmes sans voile ».

Photo non datée de Narges Mohammadi, divulguée par sa famille MOHAMMADI FAMILY ARCHIVE PHOTOS / REUTERS

C.P.

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